L’ERTMS: le futur du ferroviaire européen est en marche
Vous avez déjà pris un train reliant deux pays européens ?
Derrière ce voyage apparemment simple se cache un défi immense : faire dialoguer des systèmes de signalisation ferroviaire différents, hérités de l’histoire de chaque pays. C’est précisément le rôle de l’ERTMS (European Rail Traffic Management System): système de signalétique uniformisé pour les voies internationales, garantissant sécurité, efficacité et interopérabilité.
Cet article est le premier d’une série dédiée à ce sujet stratégique pour l’avenir du ferroviaire. Aujourd’hui, on vous propose un voyage dans le temps et une plongée dans les bases de l’ERTMS : d’où vient-il, comment fonctionne-t-il, et surtout… vers où nous emmène-t-il ?
Un peu d’histoire : de Meudon à l’Europe
Tout commence en 1842 avec la première grande catastrophe ferroviaire française, à Meudon. Alors que l’exploitation ferroviaire n’est qu’à ses débuts, un grave accident ferroviaire a lieu : un train déraille à Meudon, alors qu’il transporte des voyageurs à l'occasion de la fête du roi Louis-Philippe. C’est la première catastrophe ferroviaire enregistrée en France. Elle a causé officiellement 55 morts et plus de 150 blessés.

Ce drame a marqué les esprits et déclenché une prise de conscience : la sécurité doit être au cœur du transport ferroviaire.
De là naissent des innovations comme le fameux crocodile en 1872 (un dispositif qui oblige le conducteur à confirmer la vigilance en cabine) puis, plus tard, des ATC (systèmes de contrôle automatiques) comme le KVB (Kontrole de Vitesse par Balise) ou la TVM (Transmission Voie Machine) pour les lignes à grande vitesse.

Dans les années 90, un constat s’impose : chaque pays développe ses propres systèmes, efficaces mais incompatibles entre eux. L’Europe décide alors d’harmoniser et lance l’ERTMS, avec des industriels réunis sous le consortium UNISIG. L’objectif : parler un même langage ferroviaire à travers le continent.
Il est important de garder en tête que tous les systèmes d’ATC (KVB, TVM, ERTMS) visent à éviter les 5 grands risques ferroviaires :
- Le rattrapage : un train roule sur la même voie qu’un autre et le rattrape créant une collision
- La prise en écharpe : un train qui vient en percuter un autre sur le côté.
- Nez à nez : face à face entre 2 trains.
- Survitesse et déraillement : un train quitte les rails après avoir pris un virage avec trop de vitesse.
- Obstacle : percussion avec un obstacle se trouvant sur les rails.
Afin d’éviter ces 5 grands risques, les systèmes ATC permettent de savoir si les cantons (tronçons de voie) devant le train est libre et à qu’elle vitesse le train est autorisé à rouler. On appelle ça l’autorité de mouvement.
Concrètement, c’est quoi l’ERTMS ?
L’ERTMS repose sur deux composants principaux :
L’ETCS (European Train Control System), pour le contrôle et la signalisation des trains, et le GSM-R, un système de communication radio dédié. Il est composé de balises au sol, d’un ordinateur de bord (l’EVC) et d’une euro-antenne pour capter les balises ERTMS (le system est ressemblant dans son principe au KVB, ainsi qu’au principe de plusieurs système à travers l’Europe).
Son fonctionnement se décline par niveaux, du plus simple au plus avancé.
Les niveaux sans signalétique sol ERTMS.
Les trains équipés en ERTMS ne roulent pas seulement sur des voies ne possédant que de l’ERTMS. Ils possèdent également des systèmes ATC différents de l’ERTMS (la TVM par exemple). L’ERTMS doit donc gérer les cas où on ne roule pas sur des voies équipées de signalétique ERTMS.
- Le niveau 0 : Pas de système de contrôle des trains (ni ERTMS ni d’autre ATC). L’ERTMS on-board va tout de même limiter la vitesse maximale du train, et lis les éventuelles balises lui indiquant un changement de niveau.
- Le niveau NTC (National Train Control) : Le système de contrôle des trains est le système national (KVB ou TVM pour la France). L’ERTMS lis les éventuelles balises lui indiquant un changement vers un niveau avec de la signalétique ERTMS.
Les niveaux avec signalétique sol ERTMS.
- Niveau 1 : Il permet la transmission ponctuelle d’informations par les eurobalises (Balise ERTMS). En complément il y a la signalisation latérale de la ligne (panneau, feu etc.). L’autorité de mouvement est donnée par les balises.
- Niveau 2 : Ce niveau possède de la transmission ponctuelle d’informations par les eurobalises (Balise ERTMS). En plus, une liaison radio avec le RBC (Radio Block Centre) est établie via GSM-R. C’est cette liaison radio qui donne l’autorité de mouvement au train.
En résumé : l’ERTMS, c’est la garantie que le conducteur dispose en permanence d’informations fiables, qu’il roule en France, en Espagne, en Italie ou ailleurs en Europe.
Mais quel avenir pour l’ERTMS ?
L’ERTMS n’est pas figé : il évolue encore aujourd’hui. Afin que les exploitants et constructeurs ferroviaire puissent s’y retrouver, et surtout pour avoir des directives arrêtées, l’ERTMS possède ce qu’on appelle des « baselines ». Une baseline désigne l’ensemble des subsets (normes) ERTMS avec la date et version applicables. La Baseline 4 est sortie récemment et apporte avec elle son lot d’évolutions technologiques.
Avec la nouvelle Baseline 4, deux grandes révolutions pointent à l’horizon :
- L’ATO (Automatic Train Operation), autrement dit un système de conduite autonome des trains.
- Le FRMCS (Future Railway Mobile Communication System), le futur réseau de communication ferroviaire, qui remplacera le GSM-R vieillissant et offrira encore plus de performance.
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En parallèle, les lignes équipées se multiplient, avec un déploiement planifié dans chaque pays. La France déploie au fur et à mesure de l’ERTMS sur les grandes lignes, en concomitance avec la rénovation des lignes. Le déploiement sur voie de l’ERTMS est annoncé en France par le NIP (National Implementation Plan), document remis à l’Europe par chaque pays.

Pourquoi l’ERTMS est incontournable
Plus qu’un système technique, l’ERTMS incarne la promesse d’un réseau ferroviaire européen fluide et sûr. C’est la fin des frontières technologiques, l’assurance de circuler partout avec le même standard, et l’ouverture vers une nouvelle ère du rail : plus sûr, plus connecté et, demain, peut-être… autonome.
Dans les prochains articles, nous plongerons au cœur des équipements ERTMS et des métiers qui le font vivre au quotidien.